Comme vous le savez — ou pas — j'étais invité hier après-midi pour témoigner en direct à la télé (sur Direct-8) de l'épilepsie de mon fiston et de ses conséquences. Étaient présents, à part moi, un neurologue spécialiste de l'imagerie médicale, une mère d'un enfant atteint d'une épilepsie sévère et la présidente de l'association Épilepsie-France, également organisatrice des journées qui se déroulent cette semaine. Nous voilà donc tout les quatres assis autour d'une table dans le studio, après bien sûr nous être livrés de bonne grace aux bons soins des maquilleuses. C'était une première pour moi ! J'avais refusé quelques minutes plus tôt un café et je crois que j'ai bien fait étant donné le trac dont j'étais largement pourvu à cet instant.
Les minutes s'égrennent, en direct sur quelques moniteurs présent en face de la journaliste, et on annonce 30 secondes, puis 3, 2, 1 … direct (avec un signe du doigt du chef de plateau).
Me voilà en direct, pour de vrai, avec les mains moites et les jambes qui tremblent, dans le petit écran et curieusement je me suis senti un peu spectateur, comme si je n'étais pas vraiment présent sur le plateau. Puis je me suis appliqué à écouter la présentation des invités. La présentatrice a ensuite annoncé la diffusion d'un petit micro-trottoir tourné le matin même dans un parc. A part une dame qui avait l'air de savoir exactement ce qu'il en était, pas un n'a su dire ce qu'était l'épilepsie ou encore comment réagir face à une crise ! Voilà un exemple de ce qu'on a pu entendre lorsque l'interviewer demandait comment réagir face à une crise ;
… une bonne paire de claques, ou avec un seau d'eau … pour les calmer … enfin je crois !
Nous avons beaucoup ri autour de la table en entendant celà. Tiens, d'ailleurs je vais en profiter pour vous expliquer comment faire dans ces cas là. Il n'y a rien de compliqué, c'est uniquement une question de bon sens.
Donc vous voilà en face d'une personne qui a brutalement chuté et qui convulse. Plusieurs choses à savoir :
- la crise proprement dite ne dure que quelques dizaines de secondes, rarement plus d'une minute
- rien ne peut arrêter une crise, pas la peine d'essayer (ni le seau d'eau, ni les claques y pourront quelque chose)
- ne pas essayer de mettre quelque chose dans la bouche, ça ne sert à rien non plus, surtout qu'il est physiquement impossible que la personne avale sa langue (encore une légende à combattre)
Il faut, autant qu'il est possible, éviter que la personne se blesse et s'assurer que ses voies aériennes sont libres. Pour ça, il faut la mettre en PLS. Sans rentrer dans le détail, il faut qu'elle soit couchée sur le côté, ça assure qu'elle pourra respirer même si elle venait à vomir, ce qui peut arriver. Il se peut que la personne arrête de respirer pendant la crise, éventuellement avec les lèvres qui bleuissent. Là aussi pas d'inquiétude à avoir dans l'immédiat. Normalement la respiration reprend dès que la crise est terminée, c'est juste impressionnant. Ensuite ? Rien, à part attendre la fin.
Si pendant la crise, la personne vous donne involontairement des coups de poings ou de pieds, ne vous offusquez pas. Elle ne l'aura pas fait exprès et ce n'est pas parce qu'elle est inconsciente qu'il faut se venger, hein ?
Tout ça c'est de la théorie bien sûr, mais ça peut aider. Une crise peut être très impressionnante mais rarement dangereuse. Une chose que vous pouvez faire après, c'est de rassurer la personne, car presque tout le temps elle ne s'est rendue compte de rien avant de tomber et n'a aucun souvenir de la crise. Ca peut être très déstabilisant et déroutant. Une personne dans ce cas là et qui comprendra que vous êtes resté à côté d'elle pendant la crise sera rassurée et c'est important. Imaginez-vous perdre connaissance pendant une minute quelque part, mettons dans le métro … Imaginez tout ce qui peut se passer pendant une minute …
Mais revenons à l'émission. Premier invité à prendre la parole, le neurologue qui nous a expliqué d'un point de vue médical et physiologique ce qu'était l'épilepsie et ce qu'était une crise d'épilepsie. Les messages importants à retenir étaient ceux-là :
- 1 personne sur 15, dans notre pays, a fait ou fera une crise d'épilepsie dans sa vie
- il existe plusieurs formes d'épilepsie, de l'absence temporaire de quelques secondes au syndrome sévère et handicapant
- la recherche avance, lentement, mais elle avance (plus d'une dizaine de nouveaux traitements sont apparus depuis dix ans)
- ça peut arriver à tout âge, une épilepsie peut se manifester après trente ans de vie sans problème ni signe d'aucune sorte
La journaliste reviendra ensuite, à plusieurs reprises, vers le neurologue pour obtenir son avis médical sur tel ou tel aspect.
Ensuite, la parole est donnée à la mère d'un enfant — de trente-huit ans à ce jour, mais encore un enfant — épileptique. Elle nous dira le combat mené contre cette maladie qui peut être invalidante. Elle nous dira aussi que tout les traitements proposés ne pourront, qu'au mieux, réduire le nombre de crises à une par semaine au lieu d'une par jour. Une grande victoire assurément.
Voilà la journaliste qui se tourne vers moi. Pulsations à 120, le rouge aux joues — sous le maquillage ça devait faire bizarre — et une brusque envie d'être ailleurs. Et puis c'est à moi de raconter …
J'ai pu faire part des difficultés très différentes auxquelles nous devont faire face, ma femme et moi, pour faire de la vie de fiston mignon une vie ordinaire. Curieux non ? Nous, parents, souhaitons qu'il ait une vie ordinaire. Qu'il aille à l'école tous les jours, qu'il apprenne comme les autres. Il faut l'aider, le soutenir, convaincre ceux qui doivent l'accueillir, vaincre les préjugés des parents. Beaucoup d'énergie à dépenser, mais on ne compte pas quand c'est pour les siens. N'est-ce pas ? J'ai dit les difficultés que nous avons rencontrées avec l'encadrement souvent ignorant, avec les parents parfois méprisants et avec les conséquences des traitements (fatigue, lenteur, …) qui font qu'il est parfois difficile de maintenir mon garçon dans la filière normale. J'ai dit aussi le choix de dire — plutôt que cacher et ne pas dire — que nous avons toujours choisi, malgré les obstacles.
Ca y'est je me sens beaucoup mieux. Je regrette évidemment le caffouillage qui m'a fait perdre un peu le fil de ce que je voulais dire, mais dans l'ensemble ça va, enfin je crois !
Pour terminer, c'est la Présidente de l'association qui aura la parole, elle qui vit cette maladie tout les jours, avec ses contraintes et ses obligations, et qui pourtant nous a démontré qu'il est possible d'avoir une vie sociale et privée très satisfaisante. Elle nous a expliqué qu'il est aussi possible de choisir de ne pas suivre de traitement car les effets secondaires sont trop pénalisants et que par conséquent elle a appris à son entourage (privé et professionnel) a gérer ses crises. Tous mes vœux l'accompagnent pour son futur mariage !
Avant de conclure ce petit résumé, je voudrais dire trois choses :
- Il faut apprendre à l'enfant à intégrer sa maladie pour ne pas en faire toute sa vie
- Il faut, autant que possible, maintenir les enfants dans l'environnement scolaire normal, bon gré mal gré
- Il faut apprendre aux enfants car c'est par eux que le message se transmet le mieux auprès des parents ou des autres enfants
Et nous voilà arrivé — déjà ? Et oui c'est dingue comme ça peut passer vite une heure — à la fin de l'émission. La journaliste nous remercie et nous sommes reconduits à l'extérieur du studio, soulagés de n'avoir pas commis trop d'impair et de boulette. Déjà l'émission suivante va commencer et c'est l'effervescence dans les couloirs. Un peu de démaquillage — ah oui tout de même, il y en avait une bonne couche — et nous redescendons. Nous prenons congés et nous rentrons chez nous.
Je ne sais pas si cette émission aura beaucoup d'impact sur nos concitoyens, mais c'est à force de parler que nous parviendrons — peut-être — un jour à faire parler de cette maladie comme on peut parler de diabète. Une maladie contraignante, parfois impressionnante, mais finalement pas si méchante !
C'était une petite fenêtre que nous avons pu ouvrir temporairement sur l'épilepsie.
À vous les studios ;-)
PS : Si jamais vous avez eu l'occasion de suivre l'émission (ou si vous la suivez un jour), sachez que cinq cent mille personnes sont épileptiques en France, et que statistiquement chaque enseignant devrait en avoir un dans sa classe un jour, et que vous en croiserez forcément un dans la rue un de ces quatres matins.
1 De dda -
Alors Franck, çà va mieux :-) Tu m'as l'air de t'en être très bien tiré. Tu vois !
Je te suis sur toute la ligne, notamment sur le fait que l'on peut croiser une personne épileptique au cours de notre vie. Cela m'est arrivé il y a quatre ou cinq ans, dans le métro. Un homme grand, costaud, genre rygbyman... tout d'un coup la crise et il s'effondre comme un mouchoir. Dans la rame, personne n'a bougé... seulement deux femmes et moi qui l'avons sorti de la rame pour l'allonger inconscient sur le quai. Il avait une sacré force et nous n'étions pas trop de deux (une des femmes nous a laissé rapidement) pour le maintenir, éviter qu'il ne se blesse. C'est une situation assez impressionnante, on pourrait paniquer mais non, devant "l'urgence", on reste et on fait de son mieux. Les pompiers ont été prévenus... que le temps est long parfois, juste quelques minutes. L'autre personne a fini par partir... et je suis restée seule avec l'homme qui commençait à se réveiller. Je suis restée à ses côtés, à le rassurer, jusqu'à l'arrivée des pompiers. (je ne vous parle pas du comportement des autres passagers de la rame ou sur le quai.... je n'étais pas avec une bête curieuse.. grrr ! ).
Voilà. Vous me croirez ou non, mais c'est cet homme qui m'a donné (virtuellement bien sur) le coup de pied aux fesses pour m'inscrire au stage AFPS de la Croix Rouge. Chose que je voulais faire depuis très longtemps et que je tardais à faire. Je lui dis merci.
PS : AFPS : attestation de formation aux premiers secours, organisée soit par la Croix Rouge ou par les pompiers. Vous y apprendrez notamment à mettre une personne inconsciente en PLS (position latérale de sécurité). Il est conseillé de faire des révisions tous les ans ou au moins tous les deux ans. Allez-s'y. C'est très très intéressant et surtout très utile.
2 De obni -
C'est dommage que Direct8 ne permet pas (enfin, je crois) de revoir ces émissions sur le web. Quand on rate un débat… On ne peut pas bénéficier de séances de rattrapage. Ceci étant, ton récit… explique bien le contenu. Merci.
3 De Pierre Kubick -
1. Déjà le fait d'avoir considéré pdt des siècles les personnes atteintes de cette maladie comme étant des "possédés" ou des malades mentaux ne facilite pas une approche normale (superstitions idiotes).
2. Réduire quelqu'un à sa maladie est toujours une imbécillité. Avant d'être un épileptique, on est d'abord et avant tout "une personne" (enfant ou adulte).
3. j'aime bien l'italique pour l'école "normale" parce que avec des enfants : épileptiques, diabétiques, malentendants, malvoyants, hyperactifs, obèses, asthmatiques, battus, allergiques, souffrant de nanisme, paralysés moteurs, hyper ou hypothyroidiens, anorexiques, boulimiques, dyslexiques, etc, etc, si ce n'est pas le mot "enfant" qui prime, il reste quoi alors ?
cela reste toujours pour les parents un parcours du combattant pour le meilleur traitement, la meilleure approche, le meilleur choix, pour le meilleur avenir possible. Le plus dur n'en reste pas moins le combat contre les préjugés.
4 De Witt -
Merci pour ce billet très instructif.
5 De pouype -
Merci pour les informations, c'est vrai qu'on est très peu informé sur ce qu'il faut faire. Pour le PLS je savais, mais par contre la langue est une idée reçu qu'on ma communiqué également...
Je note, pas la peine de s'inquitéter pour la langue :). Juste PLS et calme.
Merci.
6 De Franck -
dda : respect pour le calme dont tu as fait preuve !
obni : j'attends une copie de l'émission, je verrai si je peux vous en faire profiter.
Pierre : je ne peux qu'être d'accord avec ce que tu dis !
Witt et pouype : de rien ;-)
7 De dda -
Franck : Le calme, le calme.... j'ai tout gardé dedans, oui. trop concentrée à m'occuper du Monsieur. Après sa prise en charge par les pompiers, j'ai repris mon trajet pour le travail. Et j'ai passé le reste de la matinée à trembler comme une feuille. Le choc en retour ;-) et puis la colère aussi ocntre l'indifférence des autres passagers. Rien d'extraordinaire, en fait !
8 De Vroumette -
Merdouille, on peut pas te voir sur internet alors !
Top les conseils (le coup de la langue, j'étais aussi toute pleine enduite d'erreur sur ce sujet).
9 De Franck -
Pour les images il va falloir être un peu patient car je dois recevoir une copie bientôt. Enfin c'est ce qu'ils m'ont dit.
J'avais bien essayé de l'enregistrer mais ça a foiré ! Tu vois bien que je ne suis pas un vrai geek. Un vrai aurait réussi !
10 De eustazio -
Merci beaucoup pour ces informations, pareil que tous les autres pour le coup de la langue. 1 personne sur 15 faisant un jour une crise d'epilepsie c'est aussi un statistique impressionante !
11 De Lo -
Je me coucherai moins idiot ce soir! Et ton "combat" me rappelle - sur un autre plan - celui d'un ami qui a une fille trisomique et qui recherche également à lui construire une vie "normale" avec tout ce que ça comporte d'infiniment ;-) compliqué, notamment au niveau de la scolarisation.
12 De la belle bleue -
C'est courageux d'avoir témoigné.
Vive le gardénal.
Signé : une personne sur 15, 24 ans de gardénal et une seule crise.
13 De Otir -
Merci pour le compte-rendu de l'émission et bravo pour ta participation. Double bravo, en fait. Je suis moi aussi une ardente partisan de "l'intégration", je veux dire, tous les enfants ont droit à une vie d'enfant, quelque soit leur particularité, et l'ostracisation pour cause de difficulté, qu'elle soit médicale ou non, est un scandale.
C'est au système à apprendre à "intégrer" des données spécifiques à certaines personnes. Pas facile je sais. J'ai envie de remettre le lien avec le dossier dont j'ai parlé sur l'ancien billet de septembre 2005, si tu n'y vois pas un inconvénient majeur Franck :
dossier sur la journée des différences
Merci pour toute l'énergie dépensée à éduquer, éduquer, encore éduquer, je crois que c'est essentiel dans notre civilisation (qui a tendance à vivre sur le mode du "je sais tout-je parle de tout sans savoir- et j'en suis fier ! ";) )
Il y aurait tant à en dire encore, mais je voulais surtout te remercier, de la part d'une parente qui aimerait pouvoir en faire autant dans son domaine aussi.
14 De Groumphy -
J'ai rien à dire ... Si :
Félicitation pour l'article !
C'est incroyable les préjugés, les méconnaissances que l'on peut avoir !
:)
15 De Touteseule -
Une lombargie qui me paralyse progressivement. Si on a pas les moyens pour la guérison doit-on se laisser aller à la dérive. Je demande une solution. Me répondre sur malu-grace2004@yahoo.fr
16 De timoul -
merci pour ces explications L'epilepsie est trop dur à gérer surtout quand l'entourage vous prend pour une tarée